Article paru dans le journal Sud Ouest du 15 août 2013.
Depuis la mise en service de la déviation vers Ribérac, en 2012, et l’ouverture d’une boulangerie en juillet, la petite commune de Dordogne reprend son souffle.
Il est des déviations routières qui asphyxient des villages. À La Rochebeaucourt-et-Argentine, c’est l’inverse. Alors que depuis des années, cette petite commune, située à la frontière de la Charente, était empoisonnée par le passage de poids lourds dans l’étroite rue principale du bourg, la déviation, ouverte pour partie fin 2011 et achevée en 2012, a initié sa renaissance. Des murets de pierre blanche, des lignes aériennes enterrées, un virage rectifié et un futur aménagement paysager ont relégué au rang de souvenir une partie des murs gris.
« Désormais les chauffeurs ne passent plus par la rue de Ribérac. Les camions ne frôlent plus les volets, ni n’arrachent les corniches. Une voiture et un poids lourd ne se croisaient pas et quand il fallait qu’il fasse demi-tour, je ne vous raconte pas la pagaille que c’était », résume le maire Jean-Noël Lefranc. À cause de ce maudit trafic, La Rochebeaucourt a vu ses habitants clore définitivement leurs volets et les commerces mettre progressivement la clé sous la porte. Seuls un restaurant, une coiffeuse, l’agence postale et une agence immobilière résistaient.
Tous jouent le jeu
Convaincus que cette « porte d’entrée de la Dordogne et de l’Aquitaine » méritait mieux, les élus municipaux ont entrepris des travaux pour améliorer cette entrée de village et insuffler un peu de vie en faisant le choix d’installer une boulangerie. La dernière avait fermé en 2007.
Depuis juillet, le tintement de la clochette de la porte d’entrée de la boutique rythme le quotidien d’Alexandre Dutrias. Ce boulanger de 24 ans, qui avait déjà un commerce en Charente, à Dignac, a fait « un pari de vie » en s’installant dans les locaux équipés et loués par la mairie de La Rochebeaucourt.
« Il y avait un grand besoin de pains et de services ici. Les boulangeries les plus proches sont à Mareuil, Villebois ou Goûts-Rossignols, énumère Alexandre Dutrias. Mon four arrivait en fin de parcours et, ici, j’avais un nouvel outil et des locaux très sains. Je n’aurais jamais pu me payer cela. C’était la chance de ma vie. »
Avec son épouse Amélie et leurs trois enfants, ils occupent également le logement rénové au-dessus de la boutique. Ils paient deux loyers à la municipalité. Pour le moment, les affaires marchent bien et « toute la commune et les personnes des alentours jouent le jeu ». De quoi redonner le sourire au maire. « Je revois les gens sortir. À cause des camions, ça ne sortait plus. Il n’y avait plus de contacts », résume Jean-Noël Lefranc. Même s’il sait que cet hiver, il risque d’y avoir un peu moins de passages, l’artisan se veut optimiste : « Je pense que le commerce attire le commerce ».
Encore des projets
Le maire, lui, se plaît à rêver de l’installation d’un boucher. Si un jeune couple de boulangers s’est installé, pourquoi pas d’autres ? Dans les logements sociaux que loue la mairie, il y a bien d’autres ménages qui travaillent chez Hermès à Nontron ou en Charente voisine. « Le village a des atouts. On est sur un axe passant et d’ici vous êtes à vingt minutes de l’hôpital d’Angoulême ou de la gare pour prendre un TGV », insiste le premier magistrat qui sait que sa population a baissé au dernier recensement. En 2012, l’état civil a enregistré 14 décès contre aucune naissance.
Maintenant que la boulangerie draine un peu de monde, le Conseil municipal réfléchit à la suite. « Il va falloir refaire la RD 12, l’ancienne rue de Ribérac. Tout le long, ce sont de vieux immeubles. Il y a de gros travaux à réaliser », soupire le maire qui ne se représentera pas aux prochaines municipales. « On a fait du bon boulot mais je veux passer à autre chose », glisse-t-il en regardant les piles de dossiers sur son bureau. Ici, des études pour la traversée du bourg, là encore d’autres projets.
« On fait ce qu’on peut mais ça demande du temps, conclut-il. Il y a deux ans, je disais qu’il faudrait dix ans pour que la commune retrouve de son lustre. Aujourd’hui, je vous dirais quinze. » Une paille quand on sait qu’il aura fallu attendre plus de cinquante ans pour que la déviation de La Rochebeaucourt soit effective.
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